J’écris
ce soir pour extérioriser ma tristesse… Pour me soutenir dans mon cheminement face
aux différents deuils que je suis en train de vivre…
Encore
trois petites journées à passer… Avant d’être en congés, avant de dire au
revoir aux derniers enfants qui sont restés avec nous…
A
la rentrée, nous serons toujours là sans l’être réellement… mais nous n’accompagnerons
plus d’enfants. Nous serons encore dans les négociations de départ… et la réelle
séparation avec les collègues se fera, je ne sais de quelle manière…
Demain,
nous passerons notre dernière journée toutes ensemble… Même nos anciennes
collègues nous rejoindrons pour trinquer à ces belles rencontres et pleurer
peut-être de cette fermeture de service…
Je
n’étais plutôt pas trop mal jusqu’à ce soir… Dans les préparatifs de cette
journée de demain… lettres d’au revoir à certaines de mes collègues, petits
cadeaux symboliques à offrir, projections sur ce que nous allons vivre une
dernière fois ensemble…
Et
là… J’ai une sacrée boule au ventre qui m’empêche de faire autre chose… comme à
la veille d’un examen, d’un oral…
Depuis
la semaine dernière, j’ai laissé traîner des factures à payer, les courses
quotidiennes, le ménage… mon chat… Je suis même presque étonnée de me découvrir
ainsi… Mais, je sais qu’il va y avoir tant de chamboulements dans ma vie d’ici
les prochains jours… Je tente d’accueillir émotionnellement ce qui se passe
dans mon for intérieur, alors il me semble que le reste n’est pour le moment
pas gérable. Je suis submergée par la réalité matérielle...
Dans
quelques jours, je me sépare de mon chat pour une durée indéterminée… Dans un
mois, je me sépare de mon logement, et dans quelques temps de 10 ans de ma vie.
Sans domicile fixe…
Et
dans tout cela… même si cela n’est pas du tout confortable… j’essaie de
maîtriser mes pensées pour pas qu’elles s’agitent trop vers un avenir que je ne
connais pas… Il y a déjà tant de choses à supporter actuellement alors je tente
de ne pas m’encombrer de la peur de l’incertitude. Ne pas regarder le haut de
la montagne sans savoir quel chemin je vais emprunter, cela pour garder l’équilibre,
pour ne pas avoir le vertige…
En
attendant, les factures me font la gueule, mes longs cheveux noirs traînent
fièrement sur le sol, l’évier de la cuisine commence légèrement à s’entasser…
Mais, cette inertie compense tous les mouvements internes qui se jouent de moi…
J’entends
encore la voix de quelques-unes de mes collègues me dire que contrairement à
elles, il m’est plus facile d’accepter cette rupture concernant le travail et
de partir puisque je sais que je ne resterai pas dans le coin. Certes, cela m’a
aidée un temps… Le temps d’arriver à la fin de cette semaine… Le temps de
laisser ce pénible mois de juillet passer… Le temps de retrouver aussi des
vibrations, des jaillissements dans ma vie…
Mais
aujourd’hui, je me sens triste, parce que je sais que ce temps-là est arrivé…
Dire au revoir symboliquement aux collègues demain, c’est passer une étape de
plus… C’est me préparer à ma prochaine séparation… Le chat… puis lorsque je
reviendrai faire mes cartons… c’est encore une autre séparation…
10
ans de ma vie, ici loin de ma famille, de mes amies d’enfance… Ce n’est pas
rien quand on sait (pas !) que je n’ai que 32 ans… J’ai construit ici ma
vie d’adulte… C’est ici que j’ai pris mon envol, que j’ai révélé une grande
partie de mes potentialités, que j’ai fait mes plus belles Rencontres, et que j’ai
vécu ma vraie première grande histoire d’amour ! Que j’ai aimé, désaimé,
connu aussi la plénitude absolue, n’avoir plus peur de la mort et accepter qu’elle
puisse un jour venir sonner à ma porte…
C’est
ici où, j’ai eu l’impression de ne jamais avoir autant rayonné de ma vie, où la
quête de sens m’a dit où se trouvait le bonheur… Où j’ai appris à comprendre
mes émotions, à prendre dans mes bras la petite fille que j’étais, et surtout à
aimer celle que je suis sans avoir besoin d’une béquille humaine. C’est ici
même où j’ai appris à accepter de composer avec le sentiment de solitude et
à faire confiance en la Vie.
La
vie est un cycle paraît-il ! Voilà donc un cycle de 10 ans qui va s’achever…
alors oui, j’ai la boule au ventre… car le corps parle plus que les mots… Il
dit tout ce que je tente de taire… car je sais au fond de moi….
Là,
tout de suite, maintenant…
Oui,
j’ai peur…
Et
c’est juste très inconfortable…
[Comme c’est ravissant de partir d’un sentiment de tristesse pour
en arriver à la peur ! Le fonctionnement humain, et du moins le mien ici-même, m’étonnera
toujours !]
« Un changement profond sera précédé d'un grand moment
d'inconfort, c'est le signe que vous êtes à vous réinventer. » Nicole Bordeleau