Cet article me trotte dans la tête depuis quelques temps... J'aurais souhaité évoqué un sujet qui m'est cher et qui prend une place très importante dans mon parcours de vie. Depuis que j'ai 15 ans, âge où pour la première fois de ma vie je rencontre une âme bienveillante, les personnes auxquelles je m'attache et avec qui je deviens amie sont des personnes bien plus âgées que moi. ( Cela va de 10 à 30 ans de plus...)
A 15 ans, il s'agissait de ma professeure de français. Cette dame, qui m'a fait ressentir pour la première fois de ma vie que j'existais, aurait pu être ma mère.
Tout au long de ma vie, je me suis entourée de personnes proches, souvent plus âgées que moi, et en majorité des femmes, qui un jour ou à un autre m'ont quasiment toute sortie les phrases suivantes : "Si j'étais ta mère, je serai fière de toi." "J'aurai aimé t'avoir comme fille.", "Tu aurais pu être ma fille." "Tu es ma 5ème fifille..." "Ma petite"
Dernièrement, ces manifestations sont revenues très régulièrement, alors j'ai ressenti le besoin d'aborder le sujet de ma relation à l'autre, liée à ma relation affective avec ma mère. Ces relations que j'ai recherchées tout au long de ma courte vie sont venues comblées une blessure d'enfance, une faille narcissique énorme.
Je ne suis pas psy, et ne peux donc poser de diagnostic... Mais si je devais décrire ma mère avec des termes qu'aujourd'hui tout le monde connaît... Elle serait une perverse manipulatrice, une perverse narcissique ou autre terme qui se rapprocherait de ce type de personnalité.
Lorsqu'à 18 ans, je lis pour la première fois Cyrulnik et sa notion de "résilience", j'ai su à ce moment-là que les rencontres que j'ai faites, ces femmes qui m'ont regardée, écoutée et entendue m'ont permise de ne pas devenir complètement aliénée et folle. Alors j'ai continué à rechercher ces personnes pour m'aider à maintenir le cap. Bien qu'affectivement, j'étais pauvre et immature à souhait !
Autrefois, dans ma recherche inconsciente de mère, ces relations venaient donc combler cette mauvaise estime que j'avais de moi-même, cette quête vaine d'amour d'une mère pour sa fille, et un soutien pour tenter de reprendre confiance en moi.
Dans une famille où les garçons ont bien plus d'importance que les petites filles, prise en sandwich entre deux frères, la place qu'on m'offrait était très minime. A cela se rajoutait cette mère perverse, dans l'incapacité d'entendre les besoins de ses enfants, cherchant sans cesse à nous faire culpabiliser de tous les malheurs qui lui arrivaient, nous frappant ainsi pour nous punir. Au fil des ans, j'avais appris que je n'avais aucune valeur, que mes émotions n'avaient pas lieu d'être, que je n'étais bonne qu'à être son pantin pas très bien articulé. La parole et les promesses de ma mère n'avaient pas de valeur, elle promettait une chose pour nous pousser à écouter ses injonctions, et au final, pour nous décevoir. Toujours habitée par une envie de recevoir d'elle pour ensuite être encore et toujours déçue. C'était un vide sidéral affectif... Un vrai effondrement à chaque fois... et une réelle perte de confiance dans cette relation avec elle, avec les autres en général.
Je ne sais pas, malgré les souffrances physiques et psychologiques, où est-ce que j'ai pu trouver l'énergie créatrice. Il existait toujours une toute petite force en moi qui savait pertinemment que les choses n'étaient pas bonnes pour moi, que je n'étais pas à ma place. Cette petite voix m'avait poussée à demander à ma mère, à 12 ans, de m'emmener voir un psy... Et l'annulation de mon existence qui s'ensuivait par la réaction dénigrante de ma mère face à mon mal-être, m'avait une fois de plus prouver que parler de ce que j'éprouvais n'avait pas d'importance. Je savais qu'il fallait me détacher d'elle car ma mère ne m'aimait pas suffisamment pour pouvoir me voir, pour réussir à m'entendre. Et même si, inconsciemment je cherchais à me sauver, je n'avais plus d'existence. Moi-même je ne me voyais plus, je ne me ressentais plus, je n'existais plus... Jusqu'à ce fameux jour où cette prof de français a posé les yeux sur moi. Elle avait posé une graine dans mon être et commencé à arroser le pot que j'étais.
Depuis cette période-là, plus qu'une crise d'adolescence, je disais détester cette famille, que je trouverai le moyen pour partir au plus vite. C'était trop de souffrance de voir une famille pathologique se déchirer et nier qu'elle avait un problème et dont la communication était impossible. Je n'en étais pas si consciente à cette époque, mais cette intuition m'avait guidée depuis toujours vers là où je devais aller, vers les rencontres que je devais faire pour avancer, continuer, grandir.

J'aimais donc toujours parler avec des adultes, des personnes plus âgées que moi, pour leur montrer que j'avais des pensées, des choses dans la tête, que je n'étais pas vide. Je recherchais sans le savoir des personnes pour valider celle que j'étais. Pour tenter de trouver le peu d'amour que je pouvais sur ma route. Moi, cette petite fille qui s'était sentie rejetée, dénigrée, humiliée, mal-aimée, à qui on n'avait pas fait grandir dans un cadre sécure, qui a rencontré très vite de grandes souffrances dont je ne parlerai pas ici. Cette fille cherchait juste de l'amour. A être aimée. Et je ne parle pas de "mes relations amoureuses" ! C'était folklo !
J'aimais donc autrefois entendre que des personnes aurait aimé m'avoir comme fille, qu'elles étaient fières de moi. J'aimais qu'on me dise que j'étais mature pour mon âge. J'aimais savoir qu'on trouve en moi une belle personne. J'aimais tout ça tout en ressentant au fond de moi cette sensation intense d'être une impostrice. Mais mon égo en avait besoin...
Aujourd'hui, les personnes dont je suis le plus proche, avec qui j'aime refaire le monde, sont toujours plus âgées que moi. J'ai comme l'impression d'être plus en osmose avec elle. J'ai cette croyance comme quoi mon histoire de vie se rapproche plus de la leur que de ceux de mon âge. Je ne recherche plus cette mère que j'avais toujours rêvé d'avoir. Et ce qui est drôle, c'est que dans la période où j'étais dans la démarche de retourner vivre chez mes parents et de me confronter au quotidien à cette relation à ma mère.... Et bien, ces manifestations "de cœur de mère" des personnes qui gravitent autour de moi sont ressorties à nouveau...
Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendue ce genre de phrases... cela m'a renvoyé à mon passé. Aussi douloureux fut-il, il m'a permis aussi de refaire le point avant d'aller embrasser ma mère. Puis de ne plus aujourd'hui me sentir mal - ni mauvaise, ni coupable - de continuer, à chaque instant de sa vie, de la décevoir.
La vie et ses synchronicités... :-) Elle est belle la vie !
Ju'