"Il ne faut pas de tout pour faire un monde, il faut du bonheur et rien d'autre." Paul Eluard


“ L'écriture est un exercice spirituel, elle aide à devenir libre. ” Jean Rouaud

“ L’écriture est à la fois une façon d’être dans l’humanité et au plus près de l’humain. ” Philippe Claudel

28 août 2017

Âme-soeur



« La théorie de l’âme soeur, notre jumeau parfait, notre part manquante, est née dans l’univers des kabbalistes entre le XIIIe et le XVIe siècle, avant de traverser continents et siècles, affirme Tobie Nathan. Le Dieu biblique fabrique les âmes par couples. Quand un mâle est créé, sa partenaire féminine l’est en même temps que lui. Il ne s’agit pas forcément d’un homme et d’une femme, mais aussi de deux hommes ou de deux femmes, car la partie mâle peut se trouver dans une femme et inversement. Il faut penser en termes d’émetteur (mâle) et de récepteur (femelle). » 


 Il y a deux jours, j'ai passé 5 heures au téléphone avec l'une de mes cousines. Elle a d'ailleurs le chic de m'appeler à minuit ! Cousine a 20 ans de plus que moi. Nous nous voyons que très rarement, nous nous téléphonions que très rarement, mais à chaque appel, nous rattrapons tout ce temps perdu. Nous rions surtout beaucoup ensemble, nous nous charrions aussi énormément, et en même temps il est bon d'avoir quelqu'un dans la famille avec qui parler le même langage. 

A peu de chose près, nous portons le même regard sur la vie et notre rapport au monde se ressemble. Nous observons beaucoup, nous analysons, nous avons aussi ce regard optimiste sur la vie, sur les choses, avec un cheminement spirituel. Sur certains point, elle a quand même bien plus de maturité que moi (oui faut dire c'est 20 ans de plus qu'elle a !) et d'un autre côté, je ne ressens pas cette différence d'âge. 

Mes frères, qui travaillent avec elle, me disent souvent que Cousine adore parler avec moi, car je lui transmets de l'énergie positive. A vrai dire, je pourrais dire la même chose pour elle. Abordant les difficultés qu'elle a rencontré dernièrement dans son entreprise, et des conflits entre ses salariés, je me suis vue à imaginer aller observer... Et tout en plaisantant, moi en me proposant, elle en m'accueillant dans son entreprise, j'ai fini par lui poser une vraie question. 

"Penses-tu qu'on pourrait s'entendre au travail ?" 

A cela, elle m'évoque que depuis toutes ces années de carrière, elle a rencontré une seule fois son âme-sœur. Celle avec qui elle s'éclatait et faisait un travail remarquable. Celle avec qui elle a vécu les plus belles années de sa carrière. Elle me racontait comment cela "matchait" (du verbe to match, en anglais, qui a pour signification de coller ensemble, d'être compatible) entre elles.

Et pendant qu'elle me racontait sa relation avec son âme-sœur professionnelle, des images de ma collègue Flo se dessinait. Cela vibrait en moi comme une évidence. Je sais que Flo me lit régulièrement. Je ne sais pas si ça va lui parler... mais cela me parle. Quand je repense à notre relation professionnelle... c'est vrai qu'entre elle et moi ça a matché de suite ! 



Flo est arrivée fin décembre 2015. A peine arrivée, s'ensuivent les congés, elle était sensée travailler en binôme avec moi, mais je l'abandonne 2 semaines dès son arrivée pour mon voyage dans le pays natal de mes parents, le Laos. A peine rentrée, de retour au travail, je prends la température et lui demande comment cela s'est passé pour elle en mon absence. Et l'accompagnement auprès des enfants commencent. Nous suivons le fil des journées comme si nous avons toujours travailler ensemble. A aucun moment avec elle, je n'ai eu à chercher à m'accorder, à m'ajuster, à comprendre notre relation. Car cela s'est fait naturellement. Nous partageons ensemble nos idées, nous tentons, et à chaque réussite, c'est l'éclat de joie ! L'émerveillement, la fierté d'avoir réussi à permettre à l'enfant d'évoluer, de progresser ! Il est rare, il faut le dire, qu'on soit en désaccord. Ou du moins, on discute, on réfléchit et on avance ensemble. Comme avec Cousine, on parle le même langage, on donne quasiment le même sens à ce que l'on désire proposer aux enfants. 

Lors de l'annonce de la fermeture du service, Flo et moi sommes allées au front. Ensemble. Notre relation se vit dans une forme de complémentarité. Elle amène ses espoirs, ses envies, ses rêves, je l'accompagne et réfléchis à la stratégie avec elle. Elle est la machine et moi je mets les pièces... En cas de coup dur, Flo a cette sacré capacité à me faire prendre du recul. Jamais dans le jugement. Toujours dans l'empathie. Pendant cette période, on a refait le monde à notre image. Rêvé de ce qu'il est possible. On rit, on plane, on stresse et on pleure ensemble. C'est de cela dont j'ai peut-être le plus de mal à me séparer. Notre binôme est une force au quotidien. 

Se rajoute à notre binôme, la cheffe de service. Humaine. Accueillante. Empathique. Avec qui aussi, la relation est simple, basée sur une confiance mutuelle.  Avec qui il est possible de tout dire, même de ses "ratés", dans le respect, avec qui il est possible de penser, réfléchir, avancer ensemble. Cheffe parle de nous comme un trinôme qui matchait bien ensemble. C'est cela que je vais regretter. La simplicité, l'aisance et la fluidité de ces deux relations de travail.



Je parle au présent et non au passé. C'est intentionnel. Parce que pour moi, cette relation triangulaire vibre en moi. Suite à la discussion avec Cousine, cette évidence est apparue. Pourtant ce n'est pas faute d'avoir déjà, et à plusieurs reprises, évoqué avec Flo comment nous nous complétons au travail. Mais je ressentais le besoin de laisser trace de cette expérience humaine. 
Cousine m'avait demandé si j'aimais mon travail. Et l'évidence était là. J'aime mon métier. Mais ce que j'aime par-dessus tout ce sont mes collègues de travail. Du travail, j'en retrouverai toujours, pour le reste, c'est moins certains. 
Alors j'avais envie de rendre hommage à mon âme-sœur Flo et ma cheffe de service ! Je vous aime !



Ju'    

L'entre-deux



Voilà quelques jours que je ne suis pas venue déposée des mots. Une semaine s'est écoulée depuis mon déménagement. Dans quelle humeur je suis aujourd'hui ? Et bien disons que j'attire le positif dans cette période difficile.

J'étais censée reprendre le travail aujourd'hui. Les congés d'été sont terminés. Je suis désormais en congés exceptionnels. Car si je ne l'avais pas encore dit, je suis toujours salariée de mon association, mais dans l'optique de la fermeture de mon service, nous ne travaillons plus. Actuellement, la Super association, son Super Directeur Général et sa Super personne des Ressources Humaines sont censés nous accompagner pour nous faire partir dans les "meilleures conditions" et nous permettre de rebondir et repenser notre projet professionnel. Mais nous avons bien l'intuition que cela ne se passera pas ainsi. 

Fermeture de service signifie normalement plan social et licenciement économique. Cependant, le Super Directeur Général ne semble pas du même avis et souhaite nous faire partir sur une rupture conventionnelle. Donc, avec beaucoup moins d'avantages pour nous et bien plus pour eux. Nous ne savons pas combien de temps vont durer les négociations.




Bref, tout ça pour dire que je suis toujours dans cette période de transition, d'entre-deux. La difficulté, si je peux l'appeler ainsi, est de demeurer dans du non-concret concernant mon futur. Comme j'ai pu lister la semaine dernière mes envies et mes rêves, aujourd'hui je reste dans l'attente de pouvoir clôturer ce chapitre de mon histoire et pouvoir me lancer dans la réalisation de ces envies. Et donc concrètement, je ne ressens pas la possibilité d'évoluer sur le plan de la matière.

Dans le monde matériel les choses n'avancent pas. Dans mon monde spirituel je tente de faire bouger les choses. Cela me demande de lâcher prise et de ne pas résister, parfois face à la peur, d'autres fois face à l'ennui, souvent face à l'incertitude. 

Pour me soutenir dans ma quête de délivrance, de non-résistance et de bien-être, j'ai débuté il y a quelques jours LE DÉFI DES 100 JOURS de Lilou Macé.
Ainsi cela me permet de mieux visualiser tout ce qui m'anime et pouvoir m'y référer dès lors que j'ai un coup de mou. Chaque matin, lorsque je me lève, je pose au moins une intention (positive évidemment) pour la journée, j'écoute mes intuitions, note mes affirmations, développe ma créativité, pose des gratitudes... etc... etc...

Pour vous donner un exemple, aujourd'hui les intentions que j'ai posées pour la journée sont : 

> Je note mes émotions et les laisse me traverser.
> Je visualise ma rencontre de mercredi avec mes supérieurs et j'envoie de l'amour dans ma manière de communiquer.
> J'organise un moment convivial avec mes amis.
> Je médite avant d'aller me coucher. 

Et voici les affirmations que je m'autorise à faire à mon sujet : 

> Je crée richesse et abondance dans ma vie.
> Je développe ma conscience.
> Je suis un être d'amour et de lumière.
> J'inspire les autres.
> Je m'inspire des autres.
> Je développe ma capacité à lâcher prise.
> Je communique dans la non-violence.
> Je suis capable d'empathie pour les autres et pour moi-même.
> Je joue avec mes peurs les plus tenaces.
> J'accueille toute vie qui m'entoure.
> Je développe mon sentiment de gratitude.
> Je pose un regard positif sur tous les évènements de la vie, surtout les plus difficiles.
> Je suis un être de vibrations.
> Je mérite le meilleur.
> Je suis responsable de ma vie.
> J'ai confiance en moi et en la vie.
> Je prends l'initiative et je montre le chemin.
> Je rayonne.
> Je suis mes intuitions.
> Je fais ma part.
> Je prends soin de moi.



En plus de la liste de mes envies de la semaine dernière... J'ai de quoi faire pour cheminer avec mon être intérieur pour mieux vivre avec mon être extérieur. Dans cet entre-deux, je ne voyais pas quoi faire de mieux pour profiter de ce temps libre qui s'offre à moi. Je veux donc attirer du positif dans ma vie afin de me permettre d'être en accord avec ce que je vis et comment je fonctionne. Je suis sereine ce matin. 

Je vous souhaite un très bon lundi. 


Ju'        



21 août 2017

Gratitude et la liste de mes envies...





Aujourd’hui, j’ai rendu mon appartement. Je me sens enfin soulagée !
Parce qu’enfin cette nouvelle étape est passée, et regardez… Je suis toujours là ! Je le savais déjà que rester connectée à son présent est plus simple que d’anticiper le futur et ressentir de l’angoisse. C’est bien plus facile à dire qu’à faire. Puisque même si j’ai fait de mon mieux pour vivre ces derniers temps sans penser à demain, il n’en reste pas moins que contrôler ses pensées n’est pas toujours facile.

J’étais émotionnellement et physiquement exténuée. Je me rappelle toujours d’une phrase qu’on ma dite il y a déjà bien des mois… « Tu vis dans une certaine urgence… » Je crois qu’il est vrai que j’aurai pu attendre même la fin du mois de septembre pour rendre cet appartement mais mon intuition m’a dit de le faire maintenant…. C’est fait, au moins, je suis débarrassée de ce tracas.

Aujourd’hui, j’ai passé l’après-midi à dormir. Mon corps est lourd, la fatigue a pris le pas. Et en même temps, cela m’a fait un bien énorme ! Puis ce soir, je suis retournée à mon appartement pour l’état des lieux. Je suis donc débarrassée, de mes cartons, de mon déménagement, de mon appartement. Et ce soir, je me sens complètement dépouillée, avec cette douce sensation de me sentir libre de tous ces tracas.  Je me sens bien et pleine de gratitude pour toutes ces personnes qui ont été si présentes pour moi ces derniers jours.

Surprises d’amies qui sont venues toquer à ma porte pour me soutenir et m’aider à faire mes cartons, présence d’autres amis pour m’aider à nettoyer mon appartement, prêt de voiture pour me déplacer, hébergée chez une amie. Et plusieurs amies jusqu’à ma Super cheffe de service, m’ont proposée de m’accueillir chez eux durant cette période de transition. Je reste persuadée que toute cette aide, ces propositions d’hébergement, ont été faites avec amour, cœur et sympathie à mon égard. Dans ma vie, je demande rarement de l’aide et j’étais prête à affronter cette période seule… Et le soulagement que j’ai ressenti, au fur et à mesure des jours qui passent, grâce à l’aide de toutes ces belles personnes m’ont fait ressentir à quel point il était merveilleux d’avoir autour de soi des gens que tu aimes et qui te le rendent si bien ! Bien que, je n’ai rien attendu d’eux… C'est la gratuité de leurs gestes qui me touche tant !



Ce soir, je me sens pleine des autres. Je souhaite poser cette gratitude que je ressens à l’intérieur de moi pour exprimer à quel point je suis amoureuse de la vie.
Je suis soulagée, extrêmement soulagée de bientôt tourner cette page de ma vie. En ce moment vibre en moi tout ce qui m’est possible de réaliser désormais ! Je commence à zieuter pôle emploi et là toc ! Je me rends compte que je suis prête à me projeter de nouveau ! Qu’il est bon de ressentir l’envie me guetter ! Je me sens tellement vivante ce soir et putain qu’est-ce que cela fait un bien fouuuuuuu ! 

Je vais tenter ici de lister la liste de mes envies… avec l’intention d’en réaliser quelques-unes dans les prochains mois voire dans les prochaines années !

1.     Continuer à ressentir tout ce qui vibre à l’intérieur de moi.
2.    Me lancer des défis à relever et sortir de ma zone de confort.
3.    Faire une formation
a.    Educatrice de Jeunes Enfants
b.    EFT (Emotional Freedom Technique)
c.    Médecine chinoise
d.    Feng Shui
4.    Faire une retraite de quelques semaines
5.    Continuer à voyager
6.    Apporter mes compétences auprès des enfants dans les pays défavorisés
7.    Refaire de la danse
8.    Continuer à partager et créer du lien entre les gens, je me sens si fière lorsque j’y parviens.
9.    Continuer à voir la vie du bon côté !
10. Continuer à m’éveiller dès lors que j’en ai l’occasion.
11.  Rencontrer du monde.
12. Continuer à ce que les gens me trouvent solaire.
13. M’instruire aussi, encore et toujours, de façon autodidacte
14. Aimer. Aimer. Aimer.
15. Récupérer au plus vite ma Pixie Cat et l’accueillir dans de bonnes conditions !

Je suis certaine qu’il y a encore tant de choses à rajouter à ma liste, mais ce soir, je sais que c’est à travers ces envies que je vais tracer ma route et j’y parviendrai !

Bonne soirée… ce soir lézardage !! Je vous bise et je vous envoie tout l’amour que je porte en moi ce soir !

Ju’








19 août 2017

Folie...





Sur une consigne d’écriture de Kaléidoplumes

 
Photo de Christophe Jacrot


En vous inspirant de cette photo, écrivez un texte qui aura pour incipit la phrase suivante :
"Maman, tu ne crois pas que tu exagères ?"

 **** FOLIE ****

« Maman, tu ne crois pas que tu exagères ?
- Bonjour. Je m’appelle Sonia et je viens vous rendre visite. Que disiez-vous ?
- Oh….. J’ai dit la poule qui m’a traversé le coq.
- Le coq ?
- Oui, il va bien le coq ? ça fera…. 20,21,22,23,45,32…………. 19 francs.
- Très bien.
- Tu vas bien ? Elle est où Annie ? Anniiiiiiiie.
- Vous pleurez.
- Annie… qu’as-tu fais d’elle ? Elle est où ?
- Je ne sais pas madame… Elle est où d’après-vous ?
- Dehors, il pleut. C’est déformé. Et Annie ?
- Vous pensez qu’elle est dehors sous la pluie ?
Le regard triste, elle hausse les épaules.
-  Peut-être. AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH ! Mais tais-toi ! Laissez-moi tranquille ! J’en ai plus !
- Je vais vous laisser un moment. Je reviendrai vous voir plus tard. »

Je suis écrivain public. Cela faisait quelques semaines que j’étais immergée dans un EHPAD. Il manquait à mon travail quelque chose d’essentiel. J’ai passé mon temps à écrire pour les autres, pour ceux qui ne le pouvait pas ou ne savait pas le faire. J’ai fait de très belles rencontres mais j’avais besoin de me tourner vers autre chose. Mettre à profit mes compétences pour écrire l’Autre de façon différente. J’avais le choix, voire beaucoup de choix. Mais je ressentais une envie particulière d’aller rencontrer la maladie d’Alzheimer. Alors j’ai postulé en tant que bénévole. Ce n’était pas facile de les convaincre de mon projet. On me répondait régulièrement que cela n’avait pas de sens. Les personnes n’avaient plus toute leur tête. Que pourraient-elles donc raconter qui puisse faire l’objet de mots ? Je croyais fort en mon projet et réussis enfin à convaincre un établissement.

Évidemment, je ne crois pas au miracle. Et pour dire vrai, la première fois que j’avais mis les pieds dans le service, j’étais complètement décontenancée. Je voyais des vieux partout, isolés, posés là en bataille sur leur chaise roulante. Certains criaient, pleuraient mais les soignants étaient trop occupés pour prendre le temps d’apaiser le mal-être de leurs résidents. Je suis arrivée comme un cheveu sur la soupe. On m’avait fait visiter la structure mais à aucun moment j’ai été présentée aux personnes vivant ici. Il n’était pas évident d’aller les aborder alors que moi-même je n’étais pas à l’aise avec cette maladie. Mais très vite, certaines personnes âgées sont venues naturellement vers moi et petit à petit j’ai pu prendre mes marques. Beaucoup n’étaient plus en mesure de se présenter, ou du moins de me dire leur vrai nom. Mais il était intéressant de voir comment chacun pouvait parler d’eux en se présentant. J’avais eu droit à la reine, à Madame De quelque chose… et tout autres noms possibles. Les échanges que j’avais pu avoir avec elles n’avaient ni queue ni tête. Comme celui que je vous ai présenté plus tôt. Mais au fur et à mesure, j’avais appris à les connaître et malgré la difficulté d’avoir une conversation sensée, un lien s’était tissé entre ces personnes et moi.

Elle, celle de la conversation, c’est Marylou. Enfin, c’est ainsi que les soignants l’appelaient. Madame Da Costa pour les non intimes. Cette dame était atteinte de la maladie d’Alzheimer avec des troubles associés. Pour faire court, car je suis loin d’être médecin, dans les moments de crises elle pouvait crier, insulter et agresser le personnel.

Je me rappelle de toutes ces fois où je suis passée par le réfectoire pour rejoindre une autre dame. Madame Da Costa était toujours installée au même endroit. Tournée face à la fenêtre et dos aux autres. L’air triste et en même temps si lointain. Durant quelques semaines, je n’avais pas prêté plus attention à elle. Et pourtant la rencontre avec cette femme a changé mon regard sur la maladie.

Je n’en avais pas conscience au début mais elle me rappelait ma mère. Elle avait toujours de longs cheveux blancs tressés dans son dos et le visage marqué par les rides du temps. Courbée dans sa chaise roulante, elle pouvait rester immobile des heures durant. Assise là, seule, elle finissait toujours par pleurer, implorer la présence d’Annie. Ce comportement semblait devenir une habitude au quotidien, et je fus attristée par l’indifférence générale face à cette dame. J’appris par les membres de l’équipe qu’elle ne recevait jamais de visite. Le temps devait lui paraître long. Les seuls moments où madame Da Costa était en lien avec l’autre la soumettait à sa dépendance totale. La toilette, la douche, les repas, le coucher. Et semble-t-il que c’est durant ces temps du quotidien que madame Da Costa était la plus agressive.

Il va sans dire que sa solitude m’avait touchée. Et c’est ainsi que mon attention s’était tournée durant un temps vers elle.

Lors de notre première rencontre, je m’étais installée sur un fauteuil de salon, à côté d’elle. Nos visages pouvaient se faire face et en même temps, la fuite était possible. Ce jour-là, elle marmonnait doucement dans son coin. Au moment où je m’étais approchée, elle pensait certainement à sa mère. Et à peine les présentations faites, elle m’embarqua dans son monde. Entre la poule, le coq, les chiffres et Annie qui lui fit verser des larmes. Dans cet échange qui parait si court par les mots, une éternité s’était écoulée. Dans une ambiance lourde et pesante, madame Da Costa prenait du temps pour parler, marqué par des soupirs, des silences, des regards échangés et des pleurs. Au moment où elle me demandait comment j’allais, elle saisit ma main posée sur l’accoudoir de mon fauteuil. Elle me donnait l’impression que je représentais à cet instant quelqu’un d’intime. Face à elle, je n’étais plus Sonia. J’étais cette femme qui devait certainement connaître Annie et savoir où elle se trouve.

J’appris bien plus tard qu’Annie était sa fille aînée décédée. Elle n’avait jamais réellement pu faire le deuil de cette perte. Sa maladie rejouait sans cesse sa souffrance. Dans cette maison et dans le tourbillon de sa solitude, elle avait en effet le temps de ruminer.

Madame Da Costa, vivait dans une ferme et exerçait le métier de vendeuse. La poule, le coq, les chiffres… cela prenait corps. J’étais, un instant, également une cliente à qui elle vendait quelque chose.
Même si elle n’était pas totalement ancrée dans notre réalité, je compris ce jour-là que ses mots avaient un sens. Notre conversation suivait un fil assez clair et ordonné malgré cette impression d’être dans une autre dimension. Oui. Car il pleuvait bien ce jour-là. Le regard posé sur la vitre perlée de pluie, cette dame montrait de l'inquiétude pour sa fille.

Chaque rencontre avec elle était teintée de tristesse. Comme un fil tissé, j’essayais de relier sa parole à ses émotions. Je tentais de m’ajuster avec ce qui la traversait et qu’elle n’était pas en mesure verbaliser. J’écoutais et accueillais ce qu’elle me disait ; elle s’accordait à moi. Ce moi qui n’était pas toujours Sonia, mais une cliente, une amie, une connaissance. Elle m’invitait à prendre le rôle de toutes ces personnes issues de son passé pour exprimer à sa mesure son humeur et ses états d’âme du moment.

La veille de son décès, elle m’esquissa un vrai sourire. Le seul qu’elle avait pu m’offrir avant de déposer une bise sur ma joue. Ce jour-là, peut-être que je me trompe, dans cet instant furtif, j’ai su dans son regard qu’elle me voyait réellement. 


Ju'