J’étais là, dans cette grande maison vide qui était si plein de monde autrefois.
Je me tiens face à ce frigo rempli de photos. Ce marqueur du temps qui passe.
D’une génération à l’autre.
Ce frigo me raconte des histoires... Nos histoires.
Celles de ceux qui m’ont été chers et qui ont disparu.
Celles de ceux qui viennent à peine de mettre un pied sur Terre.
Une vraie frise du temps.
Un rappel des liens d’autrefois et de ceux d’aujourd’hui.
Et je me suis arrêtée sur une photo de nous.
Une photo défraîchie par le temps, où l’on devine encore les silhouettes, les regards.
Je suis prise d'émotions.
Touchée par la beauté et l’innocence de notre jeunesse.
Cette bande de cousins, dont le cerveau n’était pas encore tout à fait développé, et dont le seul projet, à cette époque-là, était simplement de vivre ensemble qu'on nous étions ensemble.
Pas de responsabilités, pas de pièces rapportées.
Pas d’agendas de ministres.
Pas d’autres relations affectives.
Seulement nous : la famille.
Nous, qui nous considérions comme frères et sœurs.
Une bande de cousins, posée là un peu les uns sur les autres,
faisant des grimaces, pouffant de rire.
Une image figée dans le temps, témoin du plaisir simple d’être ensemble.
Ce moment, nous le reconnaissons en nous encore aujourd’hui.
C’est ce que chacun de nous a gardé de cette période de l’enfance :
un souvenir chéri, mais qui nous rend aussi profondément nostalgiques.
À cette époque, nos priorités étaient simples.
Pas de choix complexes, pas d’organisations dictées par des paramètres flous.
Aujourd’hui, se rassembler comme avant semble devenu presque impossible.
Il y a eu des incompréhensions, des jugements, parfois même du mépris,
qui se sont transmis en téléphone arabe,
transformant peu à peu la communication en poison.
Et pourtant… une chose demeure, enfouie mais intacte :
l’attachement.
Je le sens dans chaque moment partagé avec vous.
Je perçois ce désir d’être ensemble.
Et le regret, aussi, de ne pas y parvenir,
de ne pas réussir à recréer cela pour nos enfants.
En regardant cette photo, j’ai ressenti tout à la fois de l’amour, de la tendresse… et de la tristesse.
Oui, tout cela en même temps.
J’ai revu ces enfants que nous étions.
Et j’ai eu envie de leur dire :
"Je sais ce que nous sommes devenus."
Nous avons grandi trop vite.
Avec trop de négligence, trop d’expériences traumatiques.
En quelques années, nous voilà passés de l’insouciance à la quarantaine.
Chacun a mené ses propres combats,
des luttes intimes que personne ne connaîtra vraiment.
Nous avons perdu une part de la joie d’être ensemble.
Nourris par des attentes déçues, des blessures affectives non reconnues,
des cœurs qui se sont refermés.
La vie a tracé nos chemins.
Et malgré tout… je nous aime.
Je nous aime, même avec nos silences, nos distances, nos maladresses.
Je nous aime pour ce que nous avons été, pour ce que nous sommes devenus,
et pour ce que nous continuons à espérer encore… être ensemble.
Je garde en moi l’espoir discret, fragile mais vivant,
Que nos enfants puissent rire comme nous riions.
Que nos souvenirs deviennent des ponts, et non des murs.
Car au fond de chacun de nous,
je crois qu’il y a encore cette envie simple,
celle d’aimer… et d’être aimé.
Juste avec ce que l'on est.