"Il ne faut pas de tout pour faire un monde, il faut du bonheur et rien d'autre." Paul Eluard


“ L'écriture est un exercice spirituel, elle aide à devenir libre. ” Jean Rouaud

“ L’écriture est à la fois une façon d’être dans l’humanité et au plus près de l’humain. ” Philippe Claudel

12 avril 2023

Il me disait : "Tu es une extraterrestre !"

Défi d'écriture que tu peux retrouver sur : Kaléidoplumes 4

Ecrire un texte en utilisant les citations suivantes, toutes deux de 
Charlie Chaplin.

INCIPIT : "J’aime marcher dans la pluie parce que personne ne peut voir mes larmes"*

EXCIPIT : "Tu sais vivre dans ce monde sans amour quand tu arrives encore à aimer"*

*: Les phrases peuvent être conjuguées à un autre temps et/ou une autre personne

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"J'aime marcher dans la pluie parce que personne ne peut voir mes larmes".

Je l'entendais souvent prononcer cette phrase au téléphone lorsque j'étais enfant et je n'arrivais pas très bien comprendre :

- Qui était cette personne mystérieuse à qui il confiait cela ? C'est vrai, c'était un taiseux. Alors à qui pouvait-il bien parler ? 

- Comment il pouvait-il entrer dans la pluie ? La pluie c'est milles et une gouttes d'eau qui tombent du ciel en même temps. Marcher dans la pluie c'est être où en réalité ? Dans l'espace vide entre les gouttes ? Dans une goutte d'eau ? 

- Pourquoi la difficulté à se montrer tel qu'il était pouvait-il lui faire si peur ? 

C'est vrai qu'il avait beaucoup de choses qu'il ne disait pas. Le dimanche matin, souvent, je l'observais assis là sur son vieux canapé en cuir marron, à regarder par la fenêtre. 

C'était un de ces moments où, plus rien ni personne n'avait le droit de le déranger. Je m'y suis essayée une fois. Et j'ai compris ma douleur. 

Je ne savais pas ce qu'il portait en lui. Je peux vous dire que cette ambiance lourde et pesante est encore assez palpable pour moi lorsque je repense à lui. 

J'avais cette sensation qu'il me fuyait, comme s'il était incapable me regarder en face et me sourire en me voyant telle que j'étais. 

C'est vrai, en soi, comment aurait-il pu le faire ? Lui qui avait besoin d'être dans la pluie pour que personne voit qui il est ? Pouvait-il offrir à l'autre ce qu'il était incapable de recevoir ? 

"Tu es une extraterrestre ! Tu es une extraterrestre ! Comment se peut-il que tu sois dans ma vie ?!"

J'ai également passé ma vie à composer avec ces mots pointus, déchirants, blessant qui ont longtemps pesés comme les barrières d'une prison. Elles sont encore impossibles pour moi à scier ! Et voilà que je me retrouve-là. Assise sur ce fauteuil à mon tour à regarder par la fenêtre de mon être parce que je n'arrive pas à m'enfuir, à fuir ses mots. J'aimerai scier ces putains de barreaux mais...

Quelle est cette émotion qui me fait verser des larmes ? Je me dis que j'étais si jeune, et je ne comprenais pas pourquoi il me voyait comme une extraterrestre. Cela en devenait insultant. Méprisant. Et rien qu'en y pensant, je ressens de la tristesse et de la colère mélangées à tout cette incompréhension infantile. Je ne comprenais pas ce que j'avais fait pour qu'il me rejette ainsi. 

C'est dur parce que tu sais que tu ne trouves pas d'issue à cette impression d'être hors du monde, hors de soi. Et tu sais en même temps que lui aussi, pour me l'avoir bien imprégné dans la peau, il était de la même essence que moi. Lui hors du monde dans la pluie à vivre ses larmes, seul.

Et la seule chose aujourd'hui encore qui m'aide à tenir, même avec ce sentiment profond de solitude, [oui cette extraterrestre est toujours en moi] ;
La seule chose qui m'aide à tenir même si le sentiment d'être aimée te paraît impossible, c'est quand tu te rends compte que "tu sais vivre dans ce monde sans amour quand tu arrives à aimer..."



25 février 2023

Ma mémé de 99 ans est de sortie !

 


Ma chère July.


C’est la 3ème fois que tu viens vers moi en 6 ans. Et tu sais, je crois que je n’ai pas bien beaucoup changé de position. ET je crois que tu pourrais me comprendre amplement car il s’agit du même positionnement que tu as concernant le fait de connaître l’avenir. Je sais que tu le sais, mais c’est drôle comme à chaque fois, j’ai besoin de te le préciser. Comme si, je te mettais déjà la limite, celle de ne jamais me demander : "Alors, dis-moi ce que je dois faire pour être heureuse ? ou pour ne pas souffrir ?"


Ce n’est pas parce que je connais ton chemin que tu la vivras si je te la racontais. Il y a trop de possibilités dans les directions et les choix que tout peut changer du jour au lendemain. Là-dessus, tu vois, je n’ai pas changé.


Mais toi par contre, ma foi, tu en as fait un sacré bout de chemin n’est-ce pas ?


J’aimerai vraiment, mais là VRAIMENT, que tu prennes le temps de t’en rendre compte. Parce qu’en réalité, tu es une femme qui vit et qui fait et qui ne prend probablement pas assez de temps pour regarder ce qu’elle fait. Tu ne te rends pas compte à quel point tu es unique et que tu fais des pas que nombreux n’oseraient pas.


Et toi, tu te focalises sans arrêt sur ce que tu pourrais faire et ce que tu aurais pu faire de mieux !! [ça me chagrine un peu...]


Oui ça te paraît étrange que je te dise ça, je le sais, parce qu’au quotidien, tu ne t’en rends pas compte. Tu es là, tu agis, tu réfléchis, tu constates, tu ressens, tu évalues, tu t’adaptes et tu fais tes pas les uns après les autre. Aussi anxieuse que tu as pu l’être, tu as souvent fonctionné comme ça. ET puis ensuite, il arrive ce moment où tu as assez avancé, et tu te prends un mur et tu forces le chemin alors que le chemin continue sur la droite ou sur la gauche.


Je sais que tu es en train de te rendre compte petit à petit à quel point il est bon et il est doux de pouvoir se laisser porter par l’énergie de la vie et de suivre le flow. Se cogner contre un mur en soi n’est pas grave, et tu le sais, mais ce mur se dressera toujours devant toi à chaque fois que tu fais une mini-crise et que tu restes en lutte contre ce que tu vis. Tu en as conscience, mais il est bon une fois encore de te le rappeler et te le dire.


En ce moment, tu fais de riches expériences, vraiment. Et tu avances à tâtons dans tes projets. Je sais que ce n’est pas toujours confortable d’avoir du brouillard à quelques endroits et qu’il est parfois nécessaire de faire des choix sans savoir où est-ce que ces choix te mèneront. J’ai envie de te dire que ça, "MAIS tu te rends compte à quel point c’est une force à l’intérieur de toi ?"  Tu as deux directions, et sur ces deux directions, tu ne sais pas où ça te mènera concrètement. Mais tu es aujourd’hui en capacité de te dire, “Shit ! Je choisis une direction et je tente l’expérience !”


Tu te rends compte July à quel point tu as appris à vivre une spiritualité incarnée par moment ? Tu en as presque fini avec les affirmations positives désincarnées et toute la spiritualité NEW ÂGE où les gens se perchent sans savoir vraiment redescendre sur terre. Tu as cette chance de pouvoir vivre perchée et incarnée. C’est ce qui t’aide aujourd’hui à avancer avec plus de sérénité, de foi et beaucoup plus d’acceptation et de permission.


Il était temps en même temps. Sache que pendant que certaines, arrivées à ton âge, commencent à faire des crises de milieu de vie, toi tu es en train d’expérimenter la vie en toi sur un chemin, qui tu ne sais pas où il te mènera mais, où tu apprécies le chemin.


Ok tu as peur.
Ok parfois tu doutes.
Ok parfois, tu te dis “allez je ferai bien du prédictif avec mon tarot.”
Mais tu as bien vu que même si les fois où tu l’as fait, les choses se sont réalisées, cela ne signifie pas que cela te fait du bien. Au contraire même, c’est angoissant. 

Angoissant de savoir si tu vas vivre quelque chose de bien ou de malheureux.
Angoissant de savoir la suite.
Angoissant de ne pas rester curieuse du mystère de la vie.
Parce que tu as intégré que le mystère, il est aussi en toi. Et tu te découvres au fur et à mesure de tes expériences, de tes rencontres.
Tu as la conscience de pouvoir dire que tu te connais suffisamment pour avancer avec foi ET QUE tu ne te connais pas assez pour vouloir encore aller te rencontrer.


Sois vraiment fière de toi July. Vraiment, car tu sais d’où tu pars. Tu pars de tellement loin. Et regarde ces derniers temps le nombre de personnes que tu as inspirées. Ces personnes qui te suivent et qui te disent que tu oses ce que beaucoup n’oseraient pas. Que tu leurs permets d'y croire.
Toi, celle qui avait si peur de tout autrefois. Et rien que pour ça je te remercie.


Pourquoi ?
En regardant moi aussi en arrière, je vois d’autant plus le chemin parcouru. Je vois d’autant plus toute l’énergie que tu as donnée dans ta vie pour avoir tenu si fort dans la main ton fil rouge. Car moi-même je comprends une chose, et je vais te le partager… Quelles que soient les tempêtes extérieures, quelles que soient les difficultés que tu vas rencontrer, quelle que soit la conjoncture économique… Tant que ce fil rouge tu l’as dans la main tout peut avoir une forme totalement différente...
Tant que ton fil rouge devient ton fil d’or.


Ne le lâche jamais ce fil. JAMAIS.


Il t’a sauvée de tellement de choses, de tellement de conflits, de tellement de crises. Il t’a permis de traverser une sacrée partie de vie. Je te remercie July de me permettre de le regarder à nouveau, moi qui suit plus proche de la mort aujourd'hui.
Je suis en paix car je sais avoir fait de mon mieux toute ma vie. Je suis en paix car je sais que la vie n’attendait rien de moi. Je suis en paix car je sais qu’ensemble, nous ne faisons qu’exprimer qui nous sommes. Et ça crois-moi c’est tellement fort ! Car ils ne sont pas si nombreux les personnes qui arrivent à le faire… Surtout aussi intensément que nous.


Continue ma chère July.
Vis. Laisse-toi porter.
La vie n'attend rien de toi. 
Avances et permet-toi d'être imparfaitement toi-même.


Et j’ai juste envie de te dire une dernière chose avant de te laisser…
Si tu veux te voir au même âge que moi.

 
Bouge ton cul !


Bye et prends soin de toi.
Je nous aime à tout jamais.



July, de 99 ans.