30 septembre
2021
Mon Thomas,
Cela fait
exactement une semaine que je vis avec la nouvelle que tu n’appartiens plus à
ce monde. Tu sais, j’ai eu beaucoup de mal à me faire à l’idée ou encore à te
pleurer pendant cette semaine. Parce que je crois que je me devais de rester
forte pour la famille. Je sais que tu ne t’es pas rendu du tout compte à quel
point le choix que tu as fait de mettre fin à tes souffrances a créé chez nous
une souffrance considérable. Je ne t’en veux pas, mais j’ai mal pour tes
parents, pour tes sœurs et Alphonse. J’ai eu mal de voir
comment tes sœurs se sont retrouvées projetées dans un avenir sans toi. J’ai eu
mal à entendre Fabrice, Alphonse, Sam, Tonton pleurer à s’en étouffer
tellement ils ont été rongés par la culpabilité, la tristesse, la colère ou
encore l’incompréhension de ton geste. J’ai eu une tristesse profonde pour tes
nièces Gila. et Alice., pour leur père Jules et Colin qui vont aussi devoir faire
face à leurs propres émotions et celles de leur femme, eux tout en prenant soin
de leur bébé. Avec ta propre souffrance, tu ne t’es certainement pas rendu
compte de l’impact que ton geste allait avoir. Je ne t’en veux pas, je
comprends. Je comprends à quel point tu devais être mal, en désespoir. Je
comprends que tu aies pu en arriver à ce geste fatal. Je comprends, mais j’ai
mal.
Tu vois,
mon Thotho, quand j’ai vu souffrir tout notre entourage, je ne te dis pas à quel
point je peux imaginer que cette douleur qui a transpercée notre cœur peut être
décuplée pour ta famille proche. Ton père, ta mère, tes sœurs. Je comprends ton
geste, mais j’ai mal pour eux. J’ai besoin de te le dire bien que je suis persuadée
que tu le sais déjà désormais.
Vraiment,
mon Thotho, je suis dans le regret que la vie ait tracé nos chemins, nous a
emmenés chacun d’entre nous sur des chemins qui ont si peu croiser la tienne,
ta route profonde et intime, et j’ai l’impression qu’elle a choisi de te
laisser sur le bord de la route. J’ai le regret profond de ne pas avoir appris à
mieux te connaître, comme j’ai pu le faire avec tes sœurs, et les autres cousins.
Je suis partie si tôt de la maison, et tu étais si jeune à cette époque. Lorsque je
suis revenue, tu t’es envolé pour l'Australie. Tu ne savais pas à quel point j’étais
fière de toi. Je te l’avais dit que tu m’inspirais et que jamais je n’aurais
osé partir de l’autre côté de la terre, seule, sans amis sur place pour m’y
installer. Le fait que tu aies osé m’avait tellement inspirée.
Dieu sait
combien je t’aime et que je te porte dans mon cœur, comme tous nos frères et sœurs.
La vie ne m’a pas laissée la chance de mieux te connaître, ni de te montrer que
peut-être, tu aurais pu trouver une écoute bienveillante chez moi, un soutien
inébranlable de ce que tu peux traverser. Peut-être que cela n’aurait rien
changé, je le sais, mais j’ai ce regret-là qui est né chez moi depuis que je me
fais à l’idée que tu n’es plus là. Mon Thomas, les larmes me montent
actuellement. Je suis tellement triste que la vie ne nous ait pas laissé cette chance-là.
Tellement triste, mais je ne m’en veux pas, je ne t’en veux pas. Tout est clair
et limpide pour moi. Je suis triste que la vie, ses circonstances, nos choix de
vie, nos rencontres ont mené à ce que tu ailles aussi mal. Je suis triste à l’idée
de ne plus pouvoir te serrer dans mes bras, de t’entendre m’appeler 姐 avec ta voix et ton sourire.
Mon Thomas, j’ai
des croyances spirituelles et des connaissances psy, qui m’apaisent aussi
énormément malgré cette tristesse profonde, je ne lutte pas contre les images
de toi qui m’apparaissent. Les belles comme les plus dures, celles où je te
vois sourire au milieu de nous tous ou celles où je te vois en train de te préparer
à mourir. Celle où tu te trouves mieux, soulager, en paix car tu sais que cela
va se terminer. Toutes ces images me rendent si triste mais je ne lutte pas
contre elles. C’est encore un peu de toi qui est là avec moi et je suis sereine
pour t’accompagner vers ta lumière. Je t’accompagne
avec ma peine, mon amour pour toi. Je t’accompagne avec cette douleur et la
joie dans la famille qui pour le moment a volé en éclat. Je t’accompagne avec
cette douloureuse gratitude d’avoir permis à tous nos frères et sœurs de nous
dire « je t’aime, je suis là si tu en as besoin. » Je t’accompagne avec
gratitude perlée de mes larmes pour te remercier car sans toi, je n’aurais pas démissionné
de mon travail aussi rapidement. Tu m’as donné ce courage de ne pas rester là
où ça ne va pas.
Laisse-moi
te pleurer encore un peu pendant que je te dépose ces mots. Parce que c’est
tellement dur pour moi. C’est la première fois de ma vie que je suis aussi
triste et pleine de gratitude à la fois. Tu ne peux pas savoir à quel point je t’aime
mon Thotho. Je t’aime tellement…
Au revoir ici ou ailleurs…
Ju'lyn qui t’aime.